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Europe Des craintes partagées malgré les disparités

Témoignages. La réduction de la production n’est pas à l’ordre du jour chez nos voisins mais la récession annoncée inquiète beaucoup, de même que le marché de la viande.

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L’impact de la pandémie varie fortement entre les différents États européens. Partout, les prix s’orientent à la baisse mais la collecte est globalement assurée.

Hans-Peter Greve 1 850 vachesAllemagne

« Il y a dix-huit mois, on a acheté une usine pour transformer notre lait et celui d’une dizaine de fermes, soit un total de 80 Ml. Nous vendons de la crème et du lait concentré écrémé. Les prix de ces deux produits ont chuté avec la crise. La semaine avant Pâques, il n’y avait plus aucune demande. Tous les fabricants de poudre ont des excédents. Et il y a eu beaucoup de lait pas cher en provenance de France ou du Royaume-Uni sur notre marché. La situation s’est un peu calmée depuis, mais nous cherchons des solutions pour le futur. Les industriels et le syndicalisme majoritaire défendent la relance de l’intervention. Je trouve la position du BDM et de l’EMB, qui demandent une réduction volontaire des livraisons européennes, bien plus intelligente. Une baisse de 5 à 10 % permettrait, je pense, d’éviter que le prix tombe à 250 € avec la récession qui nous attend. »

Erik Kühne 500 vachesDanemark

« Actuellement chez nous, la filière laitière fonctionne bien. Notre laiterie, Arla Foods, collecte et transforme tout le lait et ne nous demande pas de freiner la production. Mais on sent une inquiétude dans l’industrie et je m’attends à une baisse de prix en mai. J’ai entendu parler de la demande de la France à Bruxelles pour l’activation du programme de réduction volontaire des volumes. Je pense que c’est une bonne idée pour certains pays. Le Danemark n’en a pas besoin pour le moment, mais nous avons été touchés par l’épidémie plus tard que d’autres. La situation peut vite changer. En revanche, je suis inquiet pour la valorisation des vaches de réforme. On nous demande de garder celles qui sont les mieux conformées car il n’y a plus de marché. Les consommateurs ne veulent plus que du steak haché. »

Tom Dune 370 vachesIrlande

« L’Irlande est assez peu touchée par le virus et l’industrie laitière tourne à peu près normalement. 95 % du lait est transformé en produits­ à longue durée de conservation, essentiellement pour l’export. Ce que nous fabriquons aujourd’hui sera vendu dans deux ou trois mois. C’est à ce moment-là que l’on mesurera l’impact de la crise chez nous. Les laiteries cherchent à réduire les prix. On a perdu 20 €/1 000 l en avril par rapport à mars. Je pense que cela traduit l’inquiétude des industriels face à la récession qui s’annonce. Ils veulent ralentir la progression de la collecte, pas réduire les volumes. Il me semble que le programme européen de réduction des livraisons a un intérêt pour ceux qui fabriquent beaucoup de produits frais. Par ailleurs, le marché de la viande est très perturbé et les prix chutent. Tout cela me conduit à chercher encore à réduire mon coût de production pour mieux résister. »

Andrew Stevens 320 vaches Royaume-Uni

« Notre laiterie, Arla Foods, continue de collecter tout le lait et le prix a même progressé de 10 €/1 000 l en avril. Mais d’autres éleveurs ont dû jeter leur lait. Ils livrent à des entreprises travaillant avec des restaurants et des petits commerces à Londres. Avec le confinement, elles n’ont plus de marché. Je pense que le prix du lait va baisser au printemps et Arla pourrait inciter à diminuer la production. Elle a mis au point un système de volumes différenciés, ici, parce que la saisonnalité de la production est assez marquée. Nos livraisons en 2019 sont divisées par 365, ce qui donne un volume A quotidien payé au prix normal. L’éventuel excédent est payé moins, avec un écart variable selon les besoins de l’entreprise. En mai, il sera de 90 €/1 000 l, ce qui est dissuasif. Je pense que réduire volontairement les livraisons à l’échelle de l’UE serait une bonne idée pour éviter de constituer des stocks qui pèseraient sur les marchés à l’automne. Mais personne n’en parle, ici. De la même façon, j’estime que l’aide au stockage privé ne doit pas être activée. »

Josef Divis 330 vaches République tchèque

« Notre pays reste assez peu touché par la maladie et la filière laitière fonctionne à peu près normalement, même si les mesures prises pour protéger les gens entraînent des délais et des surcoûts. Les fermetures de frontières nous posent problème. Ma coopérative a perdu un marché de 120 000 litres par jour en Italie. Elle peine à trouver de nouveaux clients sur place. Les prix baissent et mes recettes ont reculé de 4 000 € en mars et 8 000 € en avril. Malgré tout, à 275 €/1 000 l en avril, je dégage encore du revenu. La réduction volontaire des livraisons n’est pas un sujet, ici. La République tchèque est sur une logique d’amélioration de son autonomie et la production laitière a progressé de 5 % l’an dernier. En revanche, nous sommes exportateurs nets de viande bovine et la fermeture des frontières provoque une chute des prix. Le gouvernement a promis des aides. »

Pascale Le Cann

© C. FAIMALI - Hans-Peter Greve. « Le programme européen de réduction des livraisons me semble très pertinent pour limiter la chute des prix dans les prochains mois. »C. FAIMALI

- Tom Dune.« Face aux incertitudes sur les prix et les marchés, je cherche plus que jamais à réduire mon coût de production. »

© C. FAIMALI - Erik Kühne. « Aujourd’hui, je pense que le programme européen de réduction des livraisons n’a pas d’intérêt pour le Danemark. Mais la situation peut évoluer très vite. »C. FAIMALI

© Cédric FAIMALI - Josef Divis. « La production laitière tchèque est en croissance. Je ne pense pas que le pays puisse soutenir un programme de baisse des livraisons. »Cédric FAIMALI

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